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Le siège de Djenné : une bataille clé de l’empire songhaï

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Le siège de Djenné en 1470, est un événement majeur dans l'histoire de l'empire songhaï et des royaumes ouest-africains. Djenné, une ville prospère et influente située au sud du fleuve Niger dans l'actuel Mali, représentait un centre commercial et religieux d'une grande importance. La ville était réputée pour sa richesse et son rôle dans les échanges transsahariens, dépendant de l'Afrique de l'Ouest au monde méditerranéen. Conquérir cette cité symbolisait donc un enjeu stratégique pour les ambitions de Sonni Ali, le souverain du Songhaï, qui voulait asseoir son autorité sur toute la région.

Le siège est marqué par des récits de combats intenses, de blocus et de résistance acharnée de la part des habitants de Djenné. Cet article a pour mais de retracer les principales étapes et événements marquants de cette campagne militaire.

Pourquoi Djenné était-elle importante pour l’Empire Songhaï ?

Au XVe siècle, l’empire songhaï, sous la direction de Sonni Ali, s’était lancé dans une série de conquêtes visant à étendre son territoire et à contrôler les riches centres commerciaux du bassin du Niger. Après avoir consolidé sa domination sur Tombouctou en 1468, Sonni Ali se tourna vers Djenné. Cette ville, bien que plus petite que Tombouctou, jouissait d’une grande influence économique grâce à son rôle central dans les échanges commerciaux reliant l’intérieur de l’Afrique aux routes caravanières transsahariennes.

Le siège de Djenné fut difficile en raison de l'emplacement géographique de la ville.

Plan de Djenné. Source : Félix Dubois, Tombouctou la mystérieuse (p. 167).

La marche de Sonni Ali vers Djenné

Avant d'atteindre Djenné, Sonni Ali doit affronter plusieurs chefs locaux, loyaux au souverain de Djenné, le Djenné-koï. L'un de ces épisodes marquants se produit lorsqu'un chef nommé le kouran tente de s'opposer à l'avancée de Sonni Ali. Le kouran, averti des intentions belliqueuses de Sonni Ali, leva une armée pour défendre son territoire et surprendre les forces de Sonni Ali pendant la nuit. Cependant, malgré une bataille féroce qui se prolongea jusqu'à l'aube, le kouran fut vaincu. Les survivants de son armée s'enfuirent vers les falaises de Bandiagara et de Hombori, marquant ainsi la première grande victoire de Sonni Ali dans cette campagne.

Après la défaite du kouran, Sonni Ali continue sa marche vers Djenné, rencontrant d'autres chefs locaux qui, à leur tour, tentèrent de l'arrêter. À Kouna, le tounkoï organisa une résistance similaire, mais il fut également mis en déroute par l’armée de Sonni Ali. De même, le soria, un autre chef militaire, subit le même sort, incapable de repousser les troupes du Songhaï. Ces victoires successives consolidèrent la réputation de Sonni Ali en tant que chef militaire redoutable, et lui permirent de se rapprocher de sa cible principale, Djenné.

Sonni Ali et son armée lors du siège de Djenné en 1470.

Combien de temps a duré le siège de Djenné ?

Une fois arrivé à Djenné, Sonni Ali mit en place un siège prolongé pour affaiblir la ville. Les chroniques de l'époque racontent que le siège dura sept ans, sept mois et sept jours, bien que cette durée soit sujette à débat. Selon certaines sources, le siège aurait été bien plus court, mais quoi qu’il en soit, la résistance de Djenné fut remarquable. Le Djenné-koï, probablement nommé Komboro à l'époque, organisa la défense de la ville avec une grande habileté. Son armée, composée de combattants aguerris, se battait chaque jour contre les forces de Sonni Ali. Durant cette période, des combats quotidiens eurent lieu, sans qu’aucun des deux camps ne parvienne à prendre un avantage décisif.

De plus, à un moment critique du siège, le fleuve Niger déborda et entoura la ville de ses eaux, créant une barrière naturelle entre les assiégés et leurs assaillants. Cette inondation obligea Sonni Ali à adapter sa stratégie. Il fit installer un blocus maritime en disposant 400 pirogues autour de la ville pour empêcher toute tentative d’évasion ou d’approvisionnement.

Le siège de Djenné : le blocus de la ville.

La famine et la reddition

Malgré cette résistance héroïque, les ressources de la ville commencèrent à s’épuiser au fil du temps. La nourriture vint à manquer, et une famine s’installa parmi les habitants de Djenné. Bien que Sonni Ali ne fût pas immédiatement informé de cette situation, il finit par l'apprendre grâce à la trahison d’un chef militaire de Djenné, qui révéla l’état critique de la ville. Ce renseignement poussa Sonni Ali à redoubler d’efforts, convaincu que la ville finirait par tomber sous son contrôle.

Face à cette situation désespérée, le Djenné-koï consulta ses généraux et officiers sur la possibilité de se rendre. Tous s'accordèrent sur l’idée que la reddition était la meilleure option pour sauver la ville et ses habitants. Une délégation fut envoyée auprès de Sonni Ali pour négocier la capitulation. Selon les récits, Sonni Ali accueillit cette délégation avec bienveillance et accepta les conditions proposées par le Djenné-koï.

Le siège de Djenné : la  soumission de la ville à l'empire songhaï

La fin du siège de Djenné

Après la reddition de Djenné, Sonni Ali fit une entrée triomphale dans la ville. Il reçut le Djenné-koï avec honneur et respect, bien qu’il fût surpris de découvrir que son adversaire n’était qu’un jeune homme, le fils du souverain précédent, décédé pendant le siège. Touché par la jeunesse de son rival, Sonni Ali le traita avec bienveillance et accepta de maintenir une certaine autonomie pour Djenné, tout en la plaçant sous son autorité.

« A la tête des principaux chefs de son armée, le sultan de Dienné se rendit auprès du Sonni. Arrivé près de lui, il descendit de sa monture et s'avança à pied jusqu'à son vainqueur qui le reçut cordialement et avec de grands égards. En voyant un tout jeune homme, le Sonni, qui l'avait pris par la main et fait asseoir auprès de lui sur son tapis, s'écria : « Comment ! c'est contre un enfant que cette lutte a duré si longtemps ! » Mais un des courtisans du prince lui fit remarquer que le père du jeune homme était mort durant le siège en laissant le trône à son fils. 
« Telles sont les circonstances qui ont amené le sultan de Songhaï et celui de Dienné à prendre place sur le même tapis comme ils le font encore aujourd'hui. [1] »
— Tarikh es-Soudan (p. 26-27)
Le siège de Djenné : la rencontre entre le Djenné-koï et Sonni Ali.

Le mariage avec la mère du Djenné-koï

Un des événements marquants de cette victoire fut le mariage de Sonni Ali avec la mère du Djenné-koï, une alliance matrimoniale destinée à sceller l’union entre les deux familles royales. Sonni Ali envoya un cheval pour ramener la mère du Djenné-koï à son camp, et ce cheval, ainsi que son harnachement, furent conservés comme symboles de ce mariage historique par les habitants de Djenné. Après ce mariage, Sonni Ali retourna à Gao, la capitale du Songhaï, avec sa nouvelle épouse, consolidant ainsi son pouvoir sur Djenné.

« Le Sonni demanda la main de la mère du jeune homme et l'épousa. Le sultan Abdallah m'a dit que c'était ce mariage qui avait allongé de sept jours le temps dont nous avons parlé pour la durée du siège.
« Le Sonni-Ali envoya un de ses chevaux de selle pour aller chercher sa femme et la ramener à son camp. Dès qu'elle fut arrivée, il renvoya au sultan de Dienné, à titre de cadeau, le cheval qui l'avait portée ainsi que tout le harnachement qui, aujourd'hui encore, est conservé par les habitants de Dienné. Cela fait, le Sonni se mit en route avec sa femme et retourna au Songhaï. »
— Tarikh es-Soudan (p. 27)
Le siège de Djenné : le mariage entre la mère du Djenné-koï et Sonni Ali.

Les conséquences du siège de Djenné

Le siège de Djenné fut un tournant décisif dans l’histoire de l’empire songhaï. Avec la conquête de cette ville, Sonni Ali asseyait définitivement son autorité sur la région et contrôlait désormais les principaux centres commerciaux du bassin du Niger. Bien que le siège ait été long et coûteux, il renforça la position de Sonni Ali en tant que souverain puissant et stratège militaire redoutable.

Bien que Djenné ait été conquise, la ville conserva une certaine autonomie sous la domination songhaï et continua à prospérer en tant que centre commercial et religieux jusqu’à l’effondrement de l’empire songhaï à la fin du XVIe siècle.

Conclusion

En résumé, le siège de Djenné par Sonni Ali est un exemple marquant de la manière dont les souverains ouest-africains utilisaient à la fois la force militaire et la diplomatie pour étendre leur influence et consolider leur pouvoir. Cette conquête, bien que difficile, permit à Sonni Ali de renforcer l’unité de l’Empire Songhaï et de garantir la prospérité des routes commerciales qui traversaient son territoire.

Notes

[1] C'est-à-dire à se traiter en quelque sorte d'égal à égal. On sait que les musulmans traitent d'une façon toute différente l'ennemi contre lequel ils ont combattu, suivant qu'il y a eu capitulation ou conquête les armes à la main.

Bibliographie

  • Mahmoud Kâti et l'un de ses petits-fils, Tarikh el-Fettach ou Chronique du chercheur pour servir à l'histoire des villes, des armées, et des principaux personnages du Tekrour : documents arabes relatifs à l'histoire du Soudan ; Traduction française accompagnée de notes, d'un index et d'une carte par O. Houdas et M. Delafosse. E. Leroux (Paris).
  • Abderrahmane Es Saâdi, Tarikh Es-Soudan ; traduit de l'arabe [et édité] par O. Houdas,... ; avec la collaboration de Edm. Benoist,..

Vidéo YouTube

Pour en savoir plus sur la civilisation songhaï, merci de consulter la page d'accueil consacrée à ce peuple.

Les Songhaïs lors du siège de Djenné.

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